La parité, enfin à l’Assemblée en 2017 ?
A l’issue du premier tour des législatives, de nombreux médias ont fait leur une sur le nombre record de femmes restant en lice pour le second tour de ce dimanche. Annonçant que la parité était en voie, enfin, d’être atteinte à l’Assemblée nationale. Alors, réalité ou miroir aux alouettes ?
Sur les 577 candidats arrivés en tête à l’issue du premier tour des législatives, on compte quelques 245 femmes. Si toutes étaient élues, selon les calculs du Lab politique d’Europe 1, « l’Assemblée sera[it] alors composée de 42,5% de femmes », une parité quasi parfaite donc. La France se classerait dans le peloton de tête des pays européens ayant les assemblées les plus paritaires.
Mais, vraiment, une parité parfaite ?
Mariette Sineau, politologue et directrice de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), nuance un peu et précise que les résultats du premier tour permettent d’envisager 1/3 à 40% de femmes à l’Assemblée. Le compte en termes de candidatures de femmes n’y est donc toujours pas, comme l’a montré OLF.
Les partis ont investi 3344 candidates aux élections législatives des 11 et 18 juin, soit 42,4% de l’ensemble des candidatures enregistrées (chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur juste avant le premier tour). Le Haut Conseil à l’Egalité constat[ait] que les contraintes légales et les retenues financières n’[avaient]pas permis d’amélioration notoire.
Outre leurs difficultés à respecter véritablement la parité, certains partis ont aussi beaucoup de mal à réserver des circonscriptions gagnables à leurs candidates. Selon Les décodeurs (Le Monde), Les républicains (LR) et le Front national (FN) réservent ainsi à aux femmes la majorité des circonscriptions ingagnables. Si La France insoumise (FI) et La République en marche (REM) font un peu mieux, le nombre de candidates envoyées dans les pires circonscriptions reste tout de même conséquent.
Des résultats malgré tout encourageants, produits d’un coup de poker politique et d’un travail de fond
Les résultats du premier tour laissent espérer un peu mieux que les 26% de femmes élues aux élections législatives de 2012 (pourtant un score record à l’époque) mais cela s’explique par des facteurs à la fois conjoncturels et structurels.
La vague de fond des candidats de La République en marche.
De fait, 78 % des femmes arrivées en tête de leur circonscription portent l’étiquette du président de la République », selon Mariette Sineau. Et d’ajouter ensuite : « Les raz-de-marée politiques profitent toujours aux outsiders, dont les femmes font partie. Les candidats inconnus ou sans expérience qui ont été investis dans des circonscriptions réputées difficiles à gagner ont été portés par l’ampleur de la vague nationale. » L’arrivée au pouvoir inattendue d’Emmanuel Macron et de son parti, nouvellement créé, et la décrépitude des deux anciens partis de gouvernement, le PS et LR, ont donc permis un appel d’air au niveau des candidatures qui a profité aux femmes.
Des facteurs structurels.
Le nombre de femmes élues députées demeure faible, mais il est en progression constante depuis l’ouverture du débat sur la parité, en 1993. En 2000, lorsque la loi sur la parité devient effective, la présence des femmes se renforce à l’Assemblée nationale.
Plus récemment, deux lois ont favorisé les résultats du 11 juin : la loi d’août 2014 qui double les pénalités financières imposées aux partis qui ne respectent pas la parité des investitures et la loi qui interdit le cumul des mandats. Toujours selon Mariette Sineau, cette loi a obligé les hommes en situation de cumul à délaisser leur mandat de député*. C’est donc grâce à un travail de fond constant de pression et de sensibilisation des diverses associations féministes, et notamment d’OLF, que cette évolution a pu advenir.
Et ailleurs, parité ou pas ?
Par ailleurs, au-delà de l’Assemblée, c’est l’ensemble du monde politique qui doit être paritaire. Et, pour cela, on ne peut pas dire que le gouvernement donne l’exemple.
Les ministères régaliens restent ainsi réservés aux hommes (à l’exception de la ministre des Armées, Sylvie Goulard) et la présence des femmes dans les cabinets ministériels est encore bien trop discrète, on compte ainsi 13 femmes pour 34 hommes au sein du cabinet ministériel du Premier ministre, Edouard Philippe, à Matignon.
Nous ne sommes donc pas encore arrivé.e.s au bout du chemin. A vos bulletins de vote dimanche, mais rendez-vous très vite pour de prochaines mobilisations féministes !
Claire Besné
* Par ailleurs, Les Nouvelles News ont montré que sur les 36 plus gros cumulards de mandats électifs en France, 35 sont… des hommes. Décidément, le renouvellement n’est pas leur fort.