Sur quoi se base ce décryptage ?

Ce décryptage se base sur le programme disponible sur le site internet de campagne de Benoît Hamon (https://www.benoithamon2017.fr/2017/03/16/mon-projet-pour-faire-battre-le-coeur-le-coeur-de-la-france/). ll a été complété par ses diverses interventions dans les médias.

Nous tenons à souligner que le programme respecte (quasiment partout) des règles d’écriture non stéréotypée, inclusive, à l’instar de ce que préconise le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans son guide pour une communication publique sans stéréotypes.

Pour une meilleure articulation des temps de vie

Création d’un service public de la petite enfance : Je souhaite que les jeunes parents, et notamment les mères isolées, puissent bénéficier d’un service public de garde d’enfants en cas d’horaires décalés. Ce nouveau service public de la petite enfance permettra de mener de front, et de façon sereine, sa vie parentale et sa vie active.

Cette mesure va bien évidemment dans le bon sens. Néanmoins, pourquoi restreindre l’accès à ce service public aux seuls parents travaillant en horaires décalés ?

Par ailleurs,  concernant ces « horaires décalés », s’il faut répondre aux besoins des femmes et couples travaillant en horaires atypiques, cette flexibilisation ne doit pas venir pénaliser les personnels travaillant dans les crèches (dans l’immense majorité des femmes), dont les salaires sont faibles.

Autre chose : un chiffrage a-t-il été fait ?

Extension du congé paternité : J’alignerai le congé paternité sur le congé post-natal dont bénéficient les mères.

C’est une bonne mesure, dans le sens où elle permettra aux pères de s’investir dans la sphère familiale lors de l’arrivée d’un enfant, ce qui permet également un meilleur partage des tâches domestiques et parentales.

Pour la fin des violences économiques

  • Abrogation de la loi travail

Osez le féminisme ! s’est fortement mobilisée au printemps dernier à ce sujet (cf. www.inegaletoitravail.fr). Cette mesure est donc positive.

  • Création d’un Revenu Universel d’Existence

S’il est positif qu’un revenu d’existence soit versé aux jeunes de 18 à 25 ans, pour leur permettre de poursuivre leurs études sans être confronté.e.s à la grande précarité, et donc à la prostitution étudiante qui peut s’en suivre, nous émettons des réserves sur le principe de revenu universel. C’est par le travail, rémunéré, que les femmes se sont émancipées depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il ne faudrait pas que ce revenu se transforme en incitation à rester chez soi, quand on sait que les métiers dits féminins sont sous-payés et dévalorisés.

  • Mesures immédiates de soutien au pouvoir d’achat, par la revalorisation des minimas sociaux de 10%, du SMIC et du point d’indice de la fonction publique

La revalorisation du SMIC bénéficiera aux femmes (⅔ des salarié.e.s payé.e.s au SMIC sont des femmes, 12,5% des femmes sont rémunérées au SMIC, contre 5,5% des hommes, source INSEE et ministère du travail).

De même pour le point d’indice de la fonction publique dont 61% des agent.e.s sont des femmes.

  • Baisse du temps de travail par un droit inconditionnel au temps partiel accompagné d’une compensation salariale, et d’inciter financièrement les entreprises à valoriser la réduction du temps de travail, mesure pouvant être notamment financée par une réaffectation du CICE. Les entreprises seront incitées à le faire selon des formes multiples (semaines de 4 jours, congé sabbatique, temps partiel). La durée légale sera maintenue à 35h.

La baisse du temps de travail est en enjeu de société. Néanmoins, le droit inconditionnel au temps partiel, alors que 30% des femmes sont à temps partiel, 80% des emplois à temps partiel occupés par des femmes, nous laisse dubitatives. Créer un droit inconditionnel à une situation subie par beaucoup de femmes est un non sens.

En 2015, 1,2 million de femmes salariées sont en situation de temps partiel subi, contre 471 800 hommes.

  • Respect de l’égalité salariale : renforcement des sanctions inscrites dans la loi (1 an d’emprisonnement et 3750 € d’amende) en cas de non respect de l’égalité salariale.

Si la mesure va dans le bon sens, nous aimerions savoir comment Benoît Hamon compte passer d’une obligation de moyens en matière d’égalité professionnelle à une obligation de résultats.

Les femmes gagnent 25,7% de moins que les hommes tout temps de travail confondu. À poste et expériences équivalentes, elles touchent 12,3% de moins.

  • Pour un syndicalisme renforcé : Je renforcerai l’implication des syndicats dans la prise de décisions stratégiques et je garantirai leur accès exhaustif à l’information. J’encouragerai la syndicalisation par une grande campagne d’information dans les entreprises. Je mettrai en place un chèque syndical pour faciliter la syndicalisation en PME et pouvoir négocier à armes égales.

Cette mesure, qui va dans le bon sens, risque de se heurter aux effets de seuil qui existent actuellement. Ainsi, les Très Petites Entreprises n’ont pas d’instance représentative du personnel en leur sein. Or, 21% des femmes travaillent dans une TPE. Comment s’assurer que ces campagnes d’information les atteignent aussi ?

  • Une réforme fiscale : Je mènerai une véritable révolution fiscale. J’organiserai une refonte de l’impôt sur le revenu, devenu complexe, illisible et régressif. Je l’individualiserai, élargirai son assiette par la fusion avec la CSG, et le rendrai plus progressif par une augmentation du nombre de tranches.

Osez le féminisme ! rejoint la nécessité de mettre en oeuvre une fiscalité féministe, par la possibilité d’individualiser l’impôt sur le revenu.

  • Création d’un corps de contrôle anti-discriminations : Je créerai un nouveau service public, la brigade de lutte contre les discriminations. Ce corps de contrôle vérifiera régulièrement les pratiques des structures publiques et privées en matière de discrimination (d’égalité femmes-hommes, accessibilité pour les personnes handicapées, discriminations à l’embauche et plafond de verre, traitement inéquitable des clients ou usagers, etc.)

L’intention est louable, mais nous nous interrogeons sur l’articulation avec le Défenseur des droits (qui n’a certes qu’un pouvoir coercitif limité) et avec l’inspection du travail et les prud’hommes, dans le monde professionnel. Il ne faudrait pas tomber dans l’effet d’annonce qui s’avère être une usine à gaz de plus.

Osez le féminisme ! demande une augmentation des sanctions financières des entreprises qui ne mettent pas en œuvre l’égalité salariale, et un renforcement des moyens de l’inspection du travail afin de protéger les femmes au travail, particulièrement dans les cas de harcèlement sexuel ;

 

  • Il l’a dit chez Causette, mais ce n’est pas inscrit dans me programme  : “renforcement des peines encourues pour les discriminations au travail, renforcement des moyens de l’Inspection du Travail pour contrôler les entreprises en infraction, facilitation des actions de groupe contre ces discriminations, application du principe du « name and shame  » pour les entreprises qui ne respectent pas la parité et l’égalité des salaires, et durcissement de la lutte contre le harcèlement sexiste et sexuel.”

Pour qu’aucune femme et qu’aucun enfant ne soit plus victime de violences masculines

  • Visa humanitaire pour une protection temporaire : Il ouvrira aux personnes en situation de détresse humanitaire une voie d’accès légale et sécurisée au territoire français, pour un accueil et une protection temporaires. De plus en plus, les réfugiés fuient la guerre, la répression, la détresse économique ou climatique. La France doit être en mesure de les accueillir et de les protéger.

Ce visa bénéficiera également aux femmes réfugiées, exposées à des violences spécifiques.

  • Augmentation du délai de prescription en cas de viol : Je ferai passer le délai de prescription du viol à 20 ans (aujourd’hui 10 ans pour les viols commis sur majeurs, 20 ans pour les viols commis sur mineurs) pour que ceux qui se rendent coupables d’un crime aussi grave soient punis, même des années après. Les victimes de viol sont souvent isolées, parfois contraintes au silence et prennent conscience de ce qu’elles ont subi bien des années plus tard. Ce délai de prescription s’établit déjà à quinze ans au Danemark, en Espagne, en Pologne, et à vingt ans en Allemagne et aux Pays-Bas

Entre temps, la proposition de loi Fenech-Tourret a été votée, allongeant les délais de prescription en matière pénale, pour les victimes majeures au moment des faits.
Il reste néanmoins des progrès à accomplir avec l’allongement des délais de prescription pour les agressions et viols commis sur des victimes mineur.e.s (la récente enquête Virage nous apprend que 56% des victimes de viol l’ont été avant leurs 17 ans).

  • Il l’a dit mais ce n’est pas écrit dans le programme :
    • “durcissement de la lutte contre le harcèlement sexiste et sexuel.”
    • “Benoît Hamon rappelle l’importance de la responsabilisation des clients mais celle-ci doit s’accompagner d’une véritable politique publique d’aide aux prostitué-es afin d’être efficace. L’une des solutions à mettre en œuvre est d’accorder aux femmes étrangères, victimes de ce système, des papiers et un logement.”

Pour une politique féministe

  • Respect des règles de parité en politique : Je pénaliserai plus sévèrement les partis qui ne respectent pas l’obligation de parité dans les candidatures aux législatives par des amendes réellement dissuasives.

La loi de 2014 double déjà les pénalités financières pour les législatives. Mais au-delà de l’assemblée nationale, de nombreux problèmes subsistent, dans les exécutifs des collectivités territoriales, et dans les EPCI. Que compte faire le candidat Benoît Hamon à ce sujet ?

  • Hausse du budget du ministère des droits des femmes : Je doublerai le budget du ministère dédié aux droits des femmes. Je le financerai notamment par des amendes infligées aux partis politiques ne respectant pas la parité.

Nous saluons bien évidemment le fait de vouloir conserver une ministère des droits des femmes, et de doubler son budget (et nous serons vigilantes à ce qu’il n’y ait pas un double, triple ou quadruple portefeuille accolé à celui des droits des femmes…). Toutefois, nous sommes sceptiques quant au fait de faire financer ce budget par les amendes infligées aux partis. Nous n’avons en effet aucune certitude que le budget sera donc bel et bien doublé.

Pour la fin des stéréotypes genrés

  • Grand plan de formation continue des enseignant.e.s : Je mettrai en œuvre un grand plan de formation continue des enseignants pour valoriser leur travail et leur carrière. En fonction de son ancienneté et des besoins qu’il exprimera, chaque enseignant bénéficiera tous les ans de 3 jours, 5 jours ou 10 jours de formation. Une bonification du nombre de jours de congés de formation sera attribuée aux enseignants en fonction du temps passé en REP. Les enseignants seront formés à la personnalisation des apprentissages, à la différenciation pédagogique et au numérique. Cela suppose la création de 15 000 postes pour la formation continue.

Ce grand plan incluera-t-il des modules sur l’égalité filles-garçons ? Cf. dernier rapport du HCE.

  • Lors de son passage chez Causette, il a mis en avant le plan pour l’égalité filles-garçons à l’école qu’il avait mis en œuvre lors de son passage (court) au Ministère de l’éducation. Or on sait que la formation des enseignant.e.s à l’égalité est inégale sur le territoire, et nous ne savons pas si ce plan est vraiment déployé.

Pour une meilleure représentation des femmes en politique

  • Contrôle parlementaire des nominations présidentielles : contrôle parlementaire sur les grandes décisions présidentielles (nominations dans les autorités indépendantes et certaines grandes entreprises, nominations de directeurs d’administration centrale, de recteurs, d’ambassadeur ou de préfet, autres nominations politiques pourvues en Conseil des Ministres).

Ce contrôle parlementaire sera-t-il assorti d’une obligation de parité ?

  • Une haute administration au service de la France : Je moderniserai l’ENA pour que la haute administration soit représentative de la société et au service des Français.e.s. J’adapterai le recrutement pour diversifier les profils et l’origine sociale des élèves. Je ferai évoluer la formation des hauts fonctionnaires pour répondre aux attentes de nos concitoyens (innovation, ouverture, etc.). Je supprimerai le classement de sortie à l’ENA et mettrai fin à la sortie directe dans les « grands corps » afin que les compétences soient le seul critère de progression des carrières.

Nous pouvons en déduire que nous arriverons enfin à des promotions paritaires à l’ENA… ?

  • Ce n’est pas écrit dans le programme, mais il l’a dit : “Benoît Hamon propose une pénalité pondérée quand les candidates sont placées dans des circonscriptions difficilement gagnables.”

Pour le droit à disposer de son corps

  • Plus de centres d’accueil du planning : Je rouvrirai des centres d’accueil du Planning Familial dans toute la France pour donner à chaque femme le droit effectif de s’informer et de disposer de son corps. Le planning familial offre un accompagnement complet pour l’IVG (réponse aux questions, possibilité d’accompagnement pour les mineurs…) et pourtant, les inégalités territoriales sont encore très fortes, notamment dans les milieux ruraux ou pour les jeunes qui ne peuvent pas se déplacer seuls.

Cette mesure va dans le bon sens.

  • Extension de la PMA : J’étendrai la procréation médicalement assistée aux femmes seules et aux couples homosexuels.

Oui. Nous attendons cette mesure depuis trop longtemps.