Sur quoi se base ce décryptage ?

Sur le site internet de campagne de François Fillon, une rubrique « les femmes avec Fillon » (https://www.fillon2017.fr/societe-civile/femmes/) concernent un certain nombre de propositions, regroupées dans une rubrique « pour la liberté des femmes ». Nous nous sommes aussi basées sur le projet de campagne global (https://www.fillon2017.fr/projet/).

Nous mettons les propositions de François Fillon en miroir des thématiques de revendications que nous portons, et avons également rajouté une rubrique concernant les propositions hors champ de ce qu’Osez le féminisme ! porte.

Pour une meilleure articulation des temps de vie

L’accès prioritaire aux crèches pour les familles monoparentales.

Une étude de 2014 de l’Ined révèle en effet que les femmes élevant seules leurs enfants ne sont pas prioritaires pour l’attribution de places en crèches.

La flexibilisation des horaires des structures de garde.

S’il faut répondre aux besoins des femmes et couples travaillant en horaires atypiques, cette flexibilisation ne doit pas venir pénaliser les personnels travaillant dans les crèches (dans l’immense majorité des femmes), dont les salaires sont faibles.

L’assouplissement de la réglementation pour l’ouverture de crèches et haltes-garderies : une simplification des exigences de formation du personnel et des contraintes réglementaires actuelles doit être engagée.

Ces mesures ont déjà été permises par le décret Morano du 7 juin 2010 (non abrogé par le gouvernement socialiste), qui a revu à la baisse les conditions d’accueil des enfants dans les crèches, plutôt que de se donner les moyens d’un accueil de qualité (baisse du taux d’encadrement, autorisation de l’accueil en surnombre, etc.). Ce n’est pas en dégradant l’accueil des tout-petits qu’on répond au manque crucial de structures en France !

La mise en œuvre de dispositifs incitatifs pour encourager les entreprises de plus de 50 salariés à créer leur propre crèche d’entreprise.

Le développement d’une politique volontariste et incitative d’accompagnement pour toutes les entreprises privées qui développent des crèches.

Cette proposition permet de répondre au besoin des femmes salariées.

Le développement des dispositifs incitatifs pour encourager les entreprises à développer le télétravail, plus accessible pour les femmes seules.

Le télétravail est une solution intéressante, à condition que ce ne soit pas la principale forme de travail, et que ce soit au libre choix des femmes salariées. Sortir du foyer, échanger avec ses collègues est aussi émancipateur.

La création de dispositifs de formation conciliables avec le mode de vie et les contraintes des femmes seules.

Sur le papier, pourquoi pas, mais en quoi cela consiste-t-il ?

Assouplissement de l’obligation d’une prise successive du congé parental (si nécessaire, après évaluation)

François Fillon ne souhaite donc pas que les pères s’investissent lors de l’arrivée d’un enfant, en prenant un congé parental, comme cela est le cas en Suède. L’objectif de cette mesure est de permettre un meilleur partage des tâches parentales et domestiques entre les deux parents. A noter, comme nous l’avons montré dans nos revendications, qu’il n’y a pas d’obligation de prise successive du congé parental en France (sauf dans certains cas très restreints).


Pour la fin des violences économiques

Accès prioritaire aux logements sociaux pour les femmes isolées

OK

La déduction fiscale ou la réduction des charges des gardes d’enfants qui grèvent le budget des femmes seules ayant des enfants à charge.

Le maintien de l’enveloppe des aides fiscales et sociales destinée aux particuliers-employeurs pour les emplois familiaux.

Cela existe déjà ! En effet, il est possible de bénéficier d’une réduction ou d’un crédit d’impôt sur les frais de garde, à l’extérieur, ou à son domicile.

Mieux faire connaître les aides existantes pour faciliter le retour dans l’emploi : l’allocation personnalisée de retour à l’emploi (APRE) ou l’aide à la garde d’enfants pour les parents isolés (AGEPI) qui permettent une prise en charge d’une partie des coûts liés à la reprise d’un emploi.

OK

La création d’une grande plate-forme d’échange intergénérationnel sous la supervision de l’Etat pour venir en aide aux « mères isolées » dans leur quotidien. Cette initiative basée sur le renforcement du lien intergénérationnel permettrait à des seniors de décharger ces dernières de certaines activités sur leur temps de travail (garde d’enfants, aide aux devoirs…).

Le renforcement des dispositifs d’aide aux associations qui apportent un soutien matériel aux femmes (notamment aux femmes seules) par des aides ménagères, du tutorat, des cours de soutien…

S’il est important d’aider les mères célibataires, il faut veiller à ne pas tomber dans un travers qui consiste à les considérer comme étant incapables d’élever correctement leur(s) enfant(s), s’assurer qu’il(s) font leurs devoirs. Il ne faut pas les stigmatiser davantage qu’elles ne le sont déjà.

Renforcer les contrôles destinés à veiller au respect des dispositifs de parité homme / femme et faire appliquer la loi sur l’égalité des salaires.

Au-delà de l’intention louable, comment François Fillon compte faire appliquer la loi sur l’égalité professionnelle ?

Amorcer le financement d’un fonds, qui respectera la parité, pour encourager l’entrepreneuriat

Ce qui est écrit dans le projet global, et qui pose problème…

Abaissement du « coût du travail » en baissant les prélèvements correspondants, c’est à dire les cotisations sociales et augmentation des deux taux supérieurs de TVA pour compenser.

La TVA, parce qu’elle payée par tout le monde, peu importe son niveau de revenu, est l’impôt le plus injuste qui soit. Nous nous étions en 2012 élevées contre le projet de “TVA sociale” portée à l’époque par Nicolas Sarkozy. Augmenter la TVA, même sur les taux supérieurs, pénalisera les plus précaires, qui sont les femmes. Substituer une cotisation sociale par un impôt est donc profondément injuste.

Relever les seuils sociaux des entreprises de 10 à 50 et de 50 à 100

Ce que François Fillon ne dit pas, c’est qu’en relevant ces seuils sociaux, il exonèrera un nombre considérables d’entreprises en matière d’obligations liées à l’égalité professionnelle. Partant de là, sa volonté de vouloir réaliser l’égalité professionnelle ne tient pas, pour quiconque connaît un minimum ses mécanismes.

Supprimer les 35 heures

Alors qu’environ 33% des femmes travaillent à temps partiel, et que 80% des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes, vouloir revenir sur les 35 heures est un non-sens.

Reporter l’âge du départ en retraite à 65 ans

Dans les faits, les femmes partent déjà en moyenne plus tard à la retraite que les hommes, du fait qu’elles mettent plus de temps à atteindre tous leurs trimestres de cotisation, à cause de carrières discontinues. Reporter l’âge du départ en retraite reculera d’autant l’âge réel auquel les femmes partent, aggravant les inégalités dans ce domaine.

Suppression de l’Aide Médicale d’Etat

Les femmes réfugiées en France, et qui parce que femmes ont besoin souvent de suivis de santé spécifiques (gynécologie, obstétrique, etc.) seront les premières impactées par cette mesure, qui va à l’encontre du principe fondamental de solidarité.

 

Pour qu’aucune femme et qu’aucun enfant ne soit plus victime de violences masculines

Développer l’hébergement d’urgence à destination des femmes victimes de violences en veillant à ce qu’elles puissent réintégrer leur logement dans les délais les plus brefs

Si la proposition va dans le bon sens, elle est cependant imprécise du côté du chiffrage. Osez le féminisme ! demande une multiplication par 10 des budgets de lutte contre les violences masculines.

Encourager les femmes à porter plainte et mettre en place un cadre sécurisant. Faire en sorte que dans tous les commissariats chaque femme qui vient porter plainte dans le cadre d’une agression sexuelle puisse être entendue de façon certaine par une interlocutrice féminine si elle le désire.

Si la proposition va dans le bon sens, il reste à définir ce qu’est un cadre sécurisant. Certaines initiatives pilotes doivent être généralisées à tout le territoire (formation des professionnel.le.s de la police et de la justice), un.e référent.e violences masculines par commissariat/gendarmerie, etc.

Renforcer les dispositifs de signalement du harcèlement sexuel dans les entreprises.

Pour renforcer les dispositifs de harcèlement sexuel, il faut former et renforcer les moyens des Instances Représentatives du Personnel et de l’Inspection du travail. Or François Fillon préconise par ailleurs de relever les seuils dans les entreprises, ce qui aura pour effet par exemple de supprimer le mandat de délégué.e du personnel dans toutes les entreprises de moins de 50 salarié.e.s.

Effectuer dès l’école primaire un travail de pédagogie sur le respect des femmes avec la création d’un modèle inspirant d’égalité homme/femme. Il s’agit de faire prendre conscience aux jeunes de la valeur de l’égalité homme/femme. Ces communications seront proposées dans les écoles (avec ou hors contrat) et créées en collaboration avec des jeunes en utilisant leurs codes et leurs outils (SMS, vidéos, réseaux sociaux).

Il s’agit ni plus ni moins de poursuivre les efforts engagés sous l’actuel quinquennat, avec les ABCD de l’égalité, devenus “plan pour l’égalité filles-garçons” (qui est mis en oeuvre dès l’école maternelle), dont on peine à mesurer le réel déploiement.

Quand on connaît les accointances de M. Fillon avec La Manif Pour Tous et Sens Commun, qui ont pollué le débat sur l’éducation à l’égalité à l’école, nous sommes dubitatives sur le contenu de ce travail pédagogique…

Augmenter les délais de prescription de plainte pour les femmes victimes d’agression sexuelle qui mettent souvent du temps à porter plainte. Il faut en moyenne 16 ans pour qu’une victime parle.

La proposition de loi Tourret-Fenech, récemment votée, rallonge les délais de prescription en matière pénale, mais pas pour les victimes mineures. François Fillon ne précise pas s’il souhaite rallonger aussi les délais de prescription pour les victimes mineures.

Sanctionner d’une amende aggravée toutes les incivilités commises à l’égard des femmes dans l’espace public et les transports en commun (insultes, remarques déplacées, sifflements, harcèlement de rue…).

Vérifier chaque année le casier judiciaire de toute personne embauchée dans un secteur professionnel en relation avec des mineurs et obliger à un traitement judiciaire rapide des dossiers impliquant des mineurs.

Le ministère de l’Education Nationale a entamé depuis 2 ans maintenant ce travail de vérification, comme en atteste les récents chiffres communiqués. La loi dite Villefontaine permet maintenant la transmission des informations judiciaires à l’Education Nationale. François Fillon propose donc de maintenir ces mesures déjà existantes.

Prévoir la présence de référents formés sur ce type de problème dans toutes les écoles de manière à sensibiliser les enfants et à repérer d’éventuels abus.

Nous savons que beaucoup de violences masculines ont lieu avec que la victime est encore scolarisée. Osez le féminisme ! porte également cette revendication.

Suivre les actions de services éducatifs confiés aux départements pour qu’un traitement efficace et égalitaire s’applique aux mineurs en danger sur tout le territoire.

OK

Faire de la non-assistance à mineur en danger une circonstance aggravante du délit de non-assistance à personne en danger.

Plutôt que de renforcer la non-assistance à personne à danger, qui est très délimitée dans le droit et parfois difficile à définir (il faut avoir conscience d’un “péril”, un “danger grave et imminent” et agir sans se mettre en danger soi-même), il faut mener une campagne nationale d’information sur les outils qui existent pour aider une personne victime, et pouvoir rapporter des faits dont on a connaissance a posteriori (tandis que la non-assistance joue dans l’instantanéité du moment).

Lancer une mission ayant pour objet de bloquer l’accès des mineurs aux sites et vidéos pornographiques, en concertation avec les fournisseurs d’accès internet, les opérateurs de téléphonie mobile, les hébergeurs, la CNIL, les associations familiales ou de protection de l’enfance et les organismes concernés. Il s’agit là de faire respecter, dans les faits, la législation interdisant ces programmes aux moins de 18 ans, tout en veillant au respect de la vie privée.

Créer un Tribunal Criminel de première instance composé de magistrats professionnels pour faire cesser la pratique de correctionnalisation d’un certain nombre d’infractions criminelles due à l’engorgement des tribunaux.

L’ONU préconise la création de tribunaux spécialisés dans le traitement des violences masculines. L’Espagne a mis en place ces tribunaux en 2004, dans le cadre de sa loi cadre contre les violences, avec des effets positifs. Il convient néanmoins de doter ces tribunaux de moyens financiers et humains adéquats, afin de ne pas créer une “sous-justice” pour les crimes et délits subis par les femmes. Cela ne semble pas être la proposition de Mr Fillon.


Il s’en vante, oui mais…
: « C’est sous son gouvernement que la prostitution a été inscrite dans la liste des violences », oui, mais… le député François Fillon s’est abstenu sur la loi pour l’abolition du système prostitueur.

Pour une politique féministe

Appliquer une tolérance zéro du sexisme en politique.

Si nous approuvons la politique de la tolérance zéro, nous aimerions connaître précisément les mesures envisagées, qui, au stade de cette phrase, sont floues

S’engager à mettre en place des mesures législatives et une politique pénale pour exclure de leur mandat et rendre inéligible tout élu ou membre de l’exécutif dans les cas de harcèlement sexiste ou d’agressions sexuelles avérées.

Osez le Féminisme ! réclame l’inéligibilité des agresseurs. Cette mesure est donc intéressante. Cependant, quand on observe l’inaction du parti de Mr Fillon quant au cas de Mr Tron, député LR, et poursuivi aux assises pour viol, nous sommes perplexes…

 

Pour la fin des stéréotypes genrés

Mener des campagnes de sensibilisation pour informer sur l’accès à la mixité des métiers et l’ouverture à toutes les filières (technique, scientifique, numérique).

Des actions similaires ont été engagées sous le quinquennat actuel.

Pour une meilleure représentation des femmes en politique

S’engager pour que les investitures politiques ne se décident plus par cooptation mais au mérite.

Comment mesure-t-on le mérite ? Nous savons que sans politiques volontaristes, qui passent par cet outil qu’est la parité, le mérite des femmes importe peu, l’entre-soi masculin restant privilégié. Vouloir promouvoir le mérite est donc contre-productif. C’est par la parité que des femmes de talent peuvent émerger.

Augmenter les amendes en cas de non respect des obligations paritaires par les organisations politiques.

La loi du 4 août 2014 a déjà doublé les sanctions des partis politiques qui ne respectent pas la parité aux élections législatives. Nous rappelons par ailleurs que Les Républicains paient 4 millions d’euros d’amende par an pour non respect de la parité.

 

Il s’en vante… mais il ment : « pour la première fois en 2007, il a constitué un gouvernement paritaire » : faux ! Le gouvernement Fillon 1 comptait 13 hommes et 7 femmes, le gouvernement Fillon 2 comptait 21 hommes et 11 femmes, le gouvernement Fillon 3 comptait 25 hommes et 13 femmes. Alors, paritaire son gouvernement ?

Pour le droit à disposer de son corps

Interdiction de la PMA aux femmes lesbiennes et/ou seules

François Fillon nie aux femmes la possibilité d’avoir un enfant, en dehors d’une relation hétérosexuelle, faisant fi du fait que de nombreuses femmes vont en Belgique ou en Espagne pour avoir recours à une PMA. Fillon souhaite aussi revenir sur l’adoption plénière pour les couples gays et lesbiens, prévue par la loi Taubira.

 

Ce n’est pas dans son programme, mais il l’a dit : “Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement”. François Fillon a beau avoir voulu “clarifier” ces propos, nous continuons de le considérer comme un ennemi du droit fondamental des femmes à avorter. Comment avoir confiance en lui pour porter une voix forte de la France à l’international à ce sujet ?

Ajouts à l’analyse

Lutte contre islamisme radical

Supprimer les aides à toutes les associations qui ne respectent pas l’égalité homme/femme, la mixité, la liberté.

Si toutes les religions sont des vecteurs du patriarcat, il est étonnant de ne parler que de la religion musulmane quand on parle d’égalité femmes/ hommes. Nous ne sommes pas dupes de cette instrumentalisation.

Intensifier les contrôles des professeurs et des enfants qui sont scolarisés dans des écoles hors-contrat et qui ne respectent pas, notamment, les principes républicains de l’égalité homme/femme.

Nous sommes d’accord avec cette revendication. Il existe en effet bon nombre d’écoles privées qui distribue des manuels anti-ivg de la Fondation Lejeune, mouvance du catholicisme radical… Toutes les religions véhiculent sexisme en leur sein.

Interdire les prêches qui portent une atteinte grave au principe d’égalité homme/femme et sanctionner pénalement ces atteintes. Appliquer fermement les dispositions qui permettent de fermer les lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence (article 8 de la loi sur l’état d’urgence) et interdire les prêches en arabe.

Même remarque que ci-dessus. Nous sommes d’accord pour combattre sans relâche les propos haineux contre les femmes véhiculés par toutes les institutions religieuses.

Faire respecter la loi qui interdit le port de la burqa.

Aider les associations de mères qui luttent dans les quartiers contre la radicalisation de leurs enfants, et aider plus globalement les associations qui luttent pour défendre l’égalité homme/femme.

Aider mais comment et qui ? Mr Fillon compte-t-il aider les associations féministes qui luttent pour les droits des femmes et défendent le droit à l’IVG ?