Sur quoi se base ce décryptage ?

Décryptage réalisé avec le collectif « Droits des femmes contre les extrêmes droites » (décryptage complet ici : http://droitsfemmescontreextremesdroites.org/spip.php?article51 ). Il s’appuie essentiellement sur les « 144 engagements présidentiels » que Marine Le Pen a publié le 5 février 2017. Marine Le Pen a spécifiquement fait des femmes une cible électorale, en témoigne un tract qui leur est destiné (dont l’adresse internet est womans magazine).

Pour une meilleure articulation des temps de vie

« 55. Mettre en oeuvre une vraie politique nataliste réservée aux familles françaises, en rétablissant l’universalité des allocations familiales et en maintenant leur indexation sur le coût de la vie. Rétablir la libre répartition du congé parental entre les deux parents. »

On est là dans l’héritage pétainiste habituel du parti à la flamme. On sait que la « libre répartition du congé parental » signifie que ce sera aux femmes de faire la double journée, vue la répartition actuelle des tâches domestiques et les inégalités économiques au sein du couple, voire, renverra les femmes à la maison. 

« 63. Maintenir la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures. Autoriser la négociation sur l’allongement du temps de travail exclusivement au niveau des branches professionnelles et à la condition d’une compensation salariale intégrale (37 heures payées 37 ou 39 heures payées 39). »

Avec de multiples rustines et allocations, le projet de Marine Le Pen ne propose rien permettant une augmentation de salaire et tend à augmenter la durée du travail, ce qui compliquera l’articulation des temps de vie. 

« 90. Lancer un audit complet sur les structures d’accueil et de prise en charge des enfants afin de mettre un terme aux dérives constatées au sein de certaines d’entre elles. Réorganiser et améliorer les politiques d’aide sociale à l’enfance. »

Alors  qu’il n’est rien dit sur le nombre de places en crèche et leur financement, l’audit sur les structures d’accueil fait référence à l’affaire Baby Loup (une employée licenciée pour avoir porté le voile à son travail).

Ce n’est pas dans le projet : il n’est pas fait mention ici du « salaire maternel » que Marine Le Pen défend pourtant constamment, qui vise à payer – moins que le SMIC – les femmes pour s’occuper des enfants. Dans certaines villes frontistes, comme Mantes-la-Ville, les crèches ne sont pas soutenues.

 

Pour la fin des violences économiques

« 9. mettre en place un plan national pour l’égalité salariale femme/homme et lutter contre la précarité professionnelle et sociale. »

Le point 9 est pour le moins flou.

« 44. Alléger la complexité administrative et fiscale pesant sur les TPE-PME : guichet unique dédié (social, fiscal et administratif), généralisation du « titre emploi service entreprise » aux TPE, remplacement du compte pénibilité, inapplicable dans sa forme actuelle, par un nouveau dispositif reposant sur une évaluation personnalisée grâce à une médecine du travail qui sera reconstituée. La pénibilité constatée sera compensée par une majoration des annuités de retraite. »

L’absence de mesures contraignantes et de budget signifie qu’un tel projet ne fera avancer en rien l’égalité. Les points 44 et 45 du programme visent à réduire les contraintes portant sur les PME/TPE, en particulier en court-circuitant les syndicats. Si le retour de la médecine du travail est positif, rien n’est proposé sur les contrats précaires, pire le “compte pénibilité” serait supprimé et l’individualisation de la pénibilité est très problématique.

« 45. Pour favoriser l’embauche, réduire le nombre des obligations administratives liées au seuil social de 50 salariés et fusionner les institutions représentatives du personnel entre 50 et 300 salariés (hors représentation syndicale) en une structure unique conservant les mêmes compétences. »

Les contraintes liées à l’égalité professionnelle dépendent des seuils sociaux: qu’en sera-t-il?
Le FN s’est opposé à la loi travail, parce qu’elle était “imposée par Bruxelles” et parce que son article 5 portait sur la laïcité en entreprise (et n’interdisait donc pas le voile). Deux arguments qui marquent l’opposition à l’Union Européenne et à la visibilité de l’Islam, mais qui servent à cacher un désaccord économique: la “ligne Florian Philippot”, plutôt jacobine et interventionniste, trouvait la loi trop libérale, la “ligne Marion Maréchal-Le Pen”, économiquement libérale, trouvait la loi pas assez libérale, comme l’indiquent les amendements déposés au Parlement.
Les femmes réfugiées en France, et qui parce que femmes ont besoin souvent de suivis de santé spécifiques (gynécologie, obstétrique, etc.) seront les premières impactées par cette mesure, qui va à l’encontre du principe fondamental de solidarité.

« 53. Retirer la « loi Travail » (dite loi El Khomri) »

Le FN s’est opposé à la loi travail, parce qu’elle était “imposée par Bruxelles” et parce que son article 5 portait sur la laïcité en entreprise (et n’interdisait donc pas le voile). Deux arguments qui marquent l’opposition à l’Union Européenne et à la visibilité de l’Islam, mais qui servent à cacher un désaccord économique: la “ligne Florian Philippot”, plutôt jacobine et interventionniste, trouvait la loi trop libérale, la “ligne Marion Maréchal-Le Pen”, économiquement libérale, trouvait la loi pas assez libérale, comme l’indiquent les amendements déposés au Parlement.

« 71. Réaliser des économies en supprimant l’Aide Médicale d’État réservée aux clandestins. »

Les femmes réfugiées en France, et qui parce que femmes ont besoin souvent de suivis de santé spécifiques (gynécologie, obstétrique, etc.) seront les premières impactées par cette mesure, qui va à l’encontre du principe fondamental de solidarité.

Ce n’est pas dans le projet : Le FN s’oppose régulièrement aux politiques d’égalité professionnelle (notamment au Parlement Européen, par exemple au moment des rapports sur l’égalité femmes/hommes). Sur la « précarité professionnelle », on rappellera l’amendement surréaliste retiré in extremis des sénateurs frontistes expliquant que la lutte contre le harcèlement sexuel au travail est trop pénible pour les patrons.

 

Pour qu’aucune femme et qu’aucun enfant ne soit plus victime de violences masculines

« 9. Défendre les droits des femmes : lutter contre l’islamisme qui fait reculer leurs libertés fondamentales »

Pour le FN, seuls les immigrés musulmans sont violents à l’encontre des femmes. Ce sont donc eux qui remettraient en cause une égalité déjà là entre les femmes et les hommes sur ce sujet. Il n’y a donc rien sur les violences commises dans et autour de la famille, pourtant lieu privilégié des violences. De plus, s’il s’agit vraiment de lutter contre les violences masculines, alors il manque un budget.

Ce n’est pas dans le projet : Les frontistes se sont opposé à la loi sur l’abolition de la prostitution. Marine Le Pen s’est déclaré opposée à l’imprescriptibilité des violences sexuelles et n’a pas d’avis sur les délais de prescription. Dans un tract très people, elle écrit: “Je veux défendre les femmes françaises”…

 

Pour une politique féministe

« 10. Assurer le respect de la liberté d’association dans les seules limites exigées par l’ordre public et soutenir les petites structures associatives culturelles, sportives, humanitaires, sociales, éducatives, etc., qui animent la vie de nos territoires. »
« 95. Promouvoir la laïcité et lutter contre le communautarisme. Inscrire dans la Constitution le principe : « La République ne reconnaît aucune communauté. » Rétablir la laïcité partout, l’étendre à l’ensemble de l’espace public et l’inscrire dans le Code du travail. »

Il s’agit ici d’étendre l’interdiction des signes ostensibles de religion, comprendre du voile, à tout l’espace public et à la sphère professionnelle. C’est évidemment contraire à la loi de 1905 (sur la laïcité), qui assure la liberté d’exercice de culte dans les limites de l’ordre public.

 

Ce n’est pas dans le projet: Les associations féministes ou de défense des lesbiennes sont taxées de « communautarisme ». Le Planning Familial a régulièrement été visé par les dirigeant-e-s frontistes.

 

Pour la fin des stéréotypes genrés

« 105. Rétablir une véritable égalité des chances en retrouvant la voie de la méritocratie républicaine. »

En l’absence de toute lutte contre les discriminations et les stéréotypes sexistes, la méritocratie du FN sera nécessairement une reconduction des privilèges et des dominations.

 

Ce n’est pas dans le projet : Le FN se moque et s’oppose aux politiques de lutte contre les stéréotypes sexistes, au Parlement Européen, à l’Assemblée Nationale ou au niveau régional. Marion Maréchal-Le Pen dit ainsi à l’Assemblée Nationale: « Vous êtes la honte du combat des femmes, obsédées par la couleur du cartable, le sexisme de la grammaire, le jouet rose des Kinder […] Complètement à côté de la plaque. »

Pour une meilleure représentation des femmes en politique

« 3. Permettre la représentation de tous les Français par le scrutin proportionnel à toutes les élections. »
« 99. Rétablir l’égalité réelle et la méritocratie en refusant le principe de « discrimination positive ». »

Le FN est historiquement opposé à la parité et s’oppose à toutes les politiques qui pourraient faciliter à court terme ou à long terme l’accès des femmes aux postes à responsabilité, y compris en politique. Il s’en remet à la proportionnelle.

 

Ce n’est pas dans le projet: En 2012, on lisait dans le programme frontiste: « Un peu partout, se sont mises en place des politiques comme la parité, ou des structures pour imposer, dans les faits, cette idéologie différentialiste et multiculturelle, qui n’est qu’une forme de racisme inversé. Les premières victimes en sont les hommes blancs hétérosexuels ». Aux élections européennes et régionales, il semblerait que le FN ait contourné la parité en demandant à des femmes élues de se retirer.

 

Pour le droit à disposer de son corps

« 87. Face aux pressions d’autorités supranationales, maintenir l’interdiction de la GPA et réserver la PMA comme réponse médicale aux problèmes de stérilité. Créer une union civile (PACS amélioré) qui viendra remplacer les dispositions de la loi Taubira, sans effet rétroactif. »

Le FN est contre la GPA, c’est bien, mais aussi contre la PMA pour les femmes seules ou lesbiennes, et c’est regrettable. De plus, l’abrogation du mariage pour tous est clairement une mesure homophobe et lesbophobe.

Ce n’est pas dans le projet : On notera que le FN a changé d’avis sur la GPA, qui était proposée sous le nom d’ « adoption prénatale » dans le programme de 2012 au nom de la lutte contre l’avortement. L’avortement brille par son absence dans le projet de 2017 de Marine Le Pen: « J’ai vite réalisé que cette proposition créait de l’incompréhension et une grande inquiétude chez les femmes. Dès qu’on touche à ce sujet, certaines ont le sentiment qu’on menace l’accès au droit. J’ai donc décidé de renoncer à cette mesure anxiogène” dit-elle à Causeur en janvier. Elle a pourtant voté contre au Parlement Européen sur l’argument suivant : “ce rapport est un éloge de la culture de mort par le soutien explicite de l’avortement, arme de destruction massive contre la démographie européenne (…) Les femmes n’ont pas besoin de vous pour assurer leur avenir car elles le portent dans leur ventre.“. Marion Maréchal-Le Pen disait sur l’avortement: « Vous agitez des menaces qui n’existent pas, des adversaires fantômes. La vérité, c’est que personne aujourd’hui dans le spectre politique ne menace la légalité de l’avortement et son libre accès. » Ceci était dit le lendemain de “La Marche Pour la Vie” dont Philippe De Villiers était la personnalité politique vedette, lequel est aujourd’hui associé… au FN. On lisait en 2012: « Le libre choix pour les femmes doit pouvoir être aussi celui de ne pas avorter : une meilleure prévention et information sont indispensables, une responsabilisation des parents est nécessaire, la possibilité d’adoption prénatale doit être proposée. » Marine Le Pen a indiqué le 17 mars dernier vouloir revenir sur le délit d’entrave à l’IVG voté en février.